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Visite de Mini Racing génération kit, un article de Jean-Marc Teissèdre (avril 1995 pour Auto Modélisme N°1)


Entre mai 1968 et mai 1981, une partie des collectionneurs de miniatures français s'est prise de passion pour un phénomène venu de Grande Bretagne : le kit!

A la base un principe simple consistant à reproduire, en petite série, des miniatures ignorées des fabricants industriels pour cause de non rentabilité assurée. Une vague d'autant plus importante que lesdits industriels étaient alors au creux de la... vague. Pape de la formule, un certain John Day allait vite faire des émules, en particulier dans l'hexagone.

Un quart de siècle plus tard, à l'heure de faire, avec un brin de nostalgie, le point sur ce secteur d'activité, force est de constater qu'un homme a traversé ces vingt-cinq ans sans la moindre turbulence. Il est arrivé discrètement, s'est installé, a persévéré au point de prétendre aujourd'hui être le plus vieux sur le continent des "artisans majeurs" à n'avoir connu qu'une seule raison sociale. Pour un premier rendez-vous, cela méritait bien un coup de chapeau.

IL, c'est Jean-Yves Puillet. L'automobile, il est tombé dedans tout petit puisque dès six ans il préférait, au grand désespoir de ses parents, acheter l'Auto Journal plutôt que Tintin. Pire même, un de ses parrains encourage Jean-Yves dans ses goûts en lui faisant découvrir Reims, ses 12 Heures et son Grand Prix de l'ACF. Et au sortir du collège, il aime tout autant bricoler la dernière Solido qu'il vient de découvrir, que plancher sur les devoirs plus traditionnels. Et voilà qu'un copain l'informe de l'existence à Paris d'une boutique où se retrouve une poignées de fanatiques. Jean-Yves découvre la magasin "Modélisme", au 94 du boulevard de Sébastopol, sanctuaire par lequel ont transité au moins deux générations de collectionneurs. Il s'inscrit au club dont les dirigeants sont alors plus préoccupés de maquettes plastique au 1/24° que de voitures de course au 1/43° issues de base Politoys, Mebetoys ou Solido. Nous sommes en 1967 et, pour financer ses études (hum!), Jean-Yves vend ses premières réalisations. "C'est un Portugais qui possède ces miniatures. Il s'agissait de voitures de série aux ailes gonflées au mastic, plus ou moins bien peintes et décorées. Mais il n'y avait rien sur le marché, alors on était moins regardant qu'aujourd'hui question qualité." En 1974, il obtient son bac en construction mécanique, puis, dans la foulée, un BTS en esthétique industrielle. Un complément en quelque sorte aux recherches en parallèles qu'il mène depuis deux ans pour essayer de comprendre comment fabriquer complètement ses propres miniatures. La mode du kit est lancée depuis quatre ans et les vocations se font jour.

Fin 1975, arrivent une Simca CG et la Porsche 917 "Cochon Rose". Deux kits anonymes bientôt siglés Mini Racing, du nom de la société que Jean Yves crée avec un copain en mai 1976. Des débuts modestes avec des kits en métal blanc au standard de qualité de l'époque, c'est à dire... moyen. Mini Racing installe ses premiers locaux à Vincennes avant de se déplacer, un an plus tard, vers la Porte des Lilas. Là il développe une gamme constituée uniquement de voitures de course, des Chevron ou des Lola 2 litres, des Porsche 935, bref des vedettes de l'endurance du moment. Toujours aussi passionné, Jean Yves n'hésite pas à se déplacer au Mans, au Nürburgring ou à Zolder. Là il lie des liens avec les écuries de pointe du moment en Gr5/Gr6 au point qu'aux 1000 km de Dikon 1977, la 908 du Joest Racing, confiée à Reinhold Joest lui-même et à Claude Haldi, se voit recouverte de stickers à la gloire de la jeune société Mini Racing. Profitant du boom dans le domaine, ce nom est maintenant reconnue dans le milieu. "A cette époque-là, on ne choisissait pas telle ou telle miniature. On allait acheter un kit, pour le principe, la philosophie. Moi-même, bien que fabricant, je continuais à me procurer les réalisations des autres. En même temps, nous apprenions l'histoire de l'automobile, John Day sortait les champions du monde de F1, les vainqueurs d'Indianapolis d'avant-guerre, les premières Ferrari. Pour beaucoup, c'était autant de découvertes."


Organisation 

Mais l'heure est aussi au commerce. Qui dit kit, dit pièces détachées et Jean-Yves s'impose d'entrée une première obligation : être indépendant de tout sous-traitant. Cela suppose un maximum d'organisation et il profite de son installation définitive à Nogent pour troquer la centrifugeuse, louée à un bijoutier fantaisie, par son propre matériel. Il investit, en association avec MRF, société qui donnera plus tard les sociétés Record puis Starter, dans des machines à faire les pneus. C'est le début d'une autonomie qui va se développer avec du matériel pour reproduire l'empreinte des parties vitrées. Reste le problème des décalcomanies dont il assure pour l'instant seulement le dessin. A peu près tranquille côté fabrication, il s'attaque à celui de la commercialisation en sillonnant la France deux-trois fois par an, avec des échantillons plein sa voiture? Un contact direct qui lui vaut de démarcher plus de point de vente que ses concurrents, de s'incruster dans la France profonde, au point de pouvoir compter aujourd'hui environs 150 magasins dans son agenda rien que sur le territoire national. "Il y en a des importants, d'autres presque minuscules, mais dans ce milieu on ne sait jamais. Ainsi une nouveauté qui se vend bien à Paris peut très bien être mal perçue à Clermont-Ferrand, alors que six mois plus tard, une voiture d'un style différent donnera des résultats inverses? Tout client est important." Voila donc Mini Racing lancée au rythme d'une vingtaine de nouveautés par mois. La gamme prend d'autant plus importance que sa diversité touche de nombreux collectionneurs.

En 1982, et finalisera son action en confiant un de ses anciens sous-traitants la charge d'un atelier de sérigraphie complet. Il lui faudra cinq ans pour tout mener à bien, du dessin à l'impression mais, aujourd'hui chacun des trois salariés de la société peut assurer la production de décalcomanies. Des tirages de quatre cent feuilles lui permettant de conserver en catalogue pr-s de deux cents références toutes gammes confondues. De quoi éviter le coup dur et avoir même quelques bonnes surprises. "Nous n'avons jamais eu de nanar comme on dit communément. En n'arrêtant pas un modèle, telle référence en panne d'actualité aujourd'hui devient une bonne vente six mois ou un an plus tard. Tenez, ceux qui ont du Auriol à leur catalogue aujourd'hui doivent se frotter les mains alors qu'il y a 18 mois c'était quelconque. Je ne fais pas de F1 mais je sais qu'on s'arrache aujourd'hui la Toleman de Senna..."

Diversification

De là est peut-être née l'idée qu'après avoir maîtrisé la fabrication, il était bon de mettre tous ses oeufs dans le même panier. Petit à petit germe en Jean-Yves l'idée de lancer de nouvelles séries destinées à autant de clientèles différentes. Après une séparation - à l'amiable - avec son partenaire des débuts, il embauche son premier salarié en 1981, ce qui l'oblige à assurer un minimum de recettes. L'occasion de s'essayer dans le domaine de la voiture de prestige avec la série du même nom, dont la première référence est une Bugatti Royale. Un kit métal, certes moins sophistiqué que ce qui se fait alors de mieux dans le domaine, mais qui suffit au bonheur des Bugattistes oubliés par les industriels de la miniature. Après avoir sciemment ouvert son horizon commercial, c'est fortuitement ou presque, qu'en 1982, suite à un important impayé d'un client de la région dauphinoise, il découvre un nouveau créneau. Ne se retrouve-t-il pas avec un nombre important de camions de pompiers sur les bras? Il essaye de les vendre et, surprise, trouve assez facilement une clientèle qui n'a jamais entendu parler de Mini Racing. Voilà comment est née M.V.I. (pour Mini Véhicules Incendie) gamme articulée autour de véhicules industriels et de pompiers. Le premier modèle est un tracteur Renault R2069 4x4 de la brigade de Lyon avec une semi-remorque tirant deux embarcations de reconnaissance. Un véhicule extraordinairement délicat à construire, très vite retiré du catalogue d'ailleurs, pour cette raison. Et, conséquence irecte de cette nouvelle orientation, Jean-Yves Puillet se trouve lors rapidement sollicité par des collectionneurs pour une multitude de pièces détachées bien particulières, destinées à enjoliver des productions des autres. Une réaction qui le conduit bientôt à lancer divers accessoires allant du dévidoir à la jante de 4x4, en passant par l'essuie-glace pour voiture de tourisme ou les rétroviseurs de Porsche 917. Du fait d'une mainmise complète sur la fabrication, au fil des ans, cette partie de l'activité va croître et embellir, au point de constituer aujourd'hui une part importante du chiffre d'affaire de la société. Cette idée de s'appuyer sur différents supports trouve un nouveau débouché en 1989 avec le lancement de la game "Force" qui, comme son nom l'indique, concerne avant tout des véhicules militaires. Seul changement avec le reste des productions de la marque, il ne s'agit que de produits finis. "Une solution possible du fait de la simplicité du problème de peinture et l'absence de décalcomanie. Seule précaution à prendre au départ : bien étudier la conception de la miniature de façon à simplifier au maximum l'assemblage des pièces." Et voilà comment, en 1995, Mini Racing peut proposer aussi bien des reproductions de voitures de course, de berlines de tous les jours, de camions, de véhicules d'incendie, de matériel militaire, le souvent en kit, parfois monté et accompagné d'accessoires et de décalcomanies. Un palmarès unique en son genre dans l'hexagone, fruit de 25 ans de travail sans relâche, même si parfois pas sans critiques. "Mon intention n'a jamais été de révolutionner le monde du kit. Il y a assez de mégalos dans ce milieu pour s'attaquer à cette idée. Je veux simplement perpétuer ce principe lancé par John Day. J'aurai certainement pu parfois faire mieux. J'ai volontairement simplifié certaines solutions mais je revendique une position de pionnier et de leader dans le domaine du "pompiers" où, avant MVI, le collectionneur devait se contenter de produits de très grand diffusion." Apparemment heureux dans son coin de banlieue, toujours à l'écart du bouillonnement propre au milieu artisanal, il va son chemin, tranquille, mais attentif.

Avenir

Car le monde change, y compris celui des collectionneurs. Alors Jean-Yves suit les courants, essayant de prendre les virages dans la même foulée que ses confrères. 

En 1983, Provence Moulage et Starter lancent le principe du kit en résine : qu'à cela ne tienne! Mini Racing arrive avec une Peugeot 505 Dangel en résine. "C'est la clientèle qui a imposé la résine. Les gens voulaient des produits qui se montent vite, sans ébavurage ou presque. Le métal demande trop de préparation. Depuis 10 ans, il est resté synonyme de haut de gamme, peut-être parce que la matière première est plus chère et que le poids de la miniature est plus lourd. En fait pour moi, l'arrivée de la résine correspond à un fléchissement des quantités qui a fait que rapidement la rentabilité du métal est devenue de moins en moins évidente." Même si cela n'est plus de mise aujourd'hui, Jean-Yves Puillet a peiné pour maîtriser les qualités de ses premières réalisations en résine. Le matériel, la façon de faire les moules, la coulée, tout est différent du métal. Là aussi, il se retrouve en 1995 l'un des seuls à se tirer d'affaires aussi bien vis à vis de la résine que du métal. De quoi attendre l'avenir avec sérénité, même si Jean-Yves se pose tout de même quelques questions : "Jusqu'en 1992, le marché était porteur, stabilisé depuis une dizaine d'années à un certain niveau. Aujourd'hui, les industriels nous ont mis une grosse claque à nous les artisans. On est arrivé à un seuil de saturation d'offre, si bien qu'après la collection comme on l'entendait dans les années 70, on est passé dans la spécialisation, avant de se trouver face à des demandes hyperpointues. Et voilà que des industriels se montrent plus épiciers que les artisans avec des séries limitées à gogo, des variantes multipliées à l'infini ou presque qui diluent le marché et correspondent à des chiffres de production infimes. Nous sommes en train de nous faire chasser de nos positions du début du phénomène kit. Il nous reste des micro-niches à exploiter ce qui pourrait poser quelques problèmes sous peu." 


Réaliste, Jean-Yves sait qu'il lui sera dorénavant difficile de réaliser un aussi joli score que celui obtenu avec ses Alpine A310 Gr.4/5 sorties à plus de 5000 exemplaires (toutes versions confondues). Mais il reste optimiste en se disant que n'ayant jamais fondé ses espoirs sur des hypothèses hautes, il trouvera toujours un modèle à reproduire. La rançon d'une politique faite de sagesse et de discrétion.