Accueil

Accueil

Visite de Renaissance le Chti'kit, (avril-mai 1996 pour Auto Modélisme N°7)

Depuis 4 ans le monde du kit est troublé. Un nouveau venu, Etienne Dhont, brouille les cartes en jouant un registre différent. Son domaine c'est le détail, le fragment, la parcelle, bref tout ce qui fait qu'un kit RENAISSANCE ne ressemble à nul autre.

Cela fait 27 ans qu'Etienne Dhont sait ce qu'est une miniature. Sa première expérience dans le domaine remonte àn son sixième anniversaire lorsque son frère lui avait offert... six maquettes d'avion, la passion de son adolescence. Un enthousiasme à la limite de l'obsession comme le prouveront plus tard son engagement dans l'armée pour devenir pilote de chasse et des études de mécanicien-navigant. Entre-temps, très exactement 14 ans, Etienne découvre l'Automobile. Une révélation liée à la parution... d'AutoHebdo. Fasciné par les Groupe 5, il suit leurs prestations dans le nouveau championnat du monde et cherche à les retrouver en modèles réduits. Mais l'amateur de maquettes plastique qu'il est n'est pas vraiment satisfait de ce qu'il trouve sur le marché. "Trop petit, trop peu détaillé, j'ai "tilté" lorsque l'Hebdo a présenté la Porsche 935 JMS au 1/12° réalisée par Jean-Paul Magnette sur une base Tamiya. Je suis parti acheter une 934 ESCI pour réaliser la 934 de la même équipe ne gardant que la carrosserie. A l'époque, je m'approvisionnais vhre Bernard Sauvage à Mouscron (agglomération belge limitrophe de Lille), un magasin toujours là en 1996. Un jour, connaissant mes goûts, il me propose un kit spécial. Une Ferrari 512 BB Le Mans 1982 (97 pièces) de chez AMR. J'ai pris un plaisir fou à le monter au point de débuter une collection de miniatures au 1/43." 

Rapidement Etienne est sollicité. La qualité de ses montages fait le bonheur des copains de Faches-Thumesnil, cette petite ville de l'agglomération lilloise où il est né. Après son service militaire, faute d'avoir pu trouver une place dans l'armée de l'air, il passe une annonce dans une revue spécialisée et se voit proposer un poste de monteur chez... AMR. Mais surprise et inquiétude, une fois sur place, celui, pour lui, est un modèle lui demande de se lancer directement dans l'exécution d'un proto. "L'horreur pour un débutant. Alors j'ai beaucoup regardé, beaucoup écouté et essayé de faire ce qu'on attendait de moi." Nous sommes début 1985 et tous ceux qui ont une 203 fourgonnette AMR dans leur collection ont aussi la première création Dhont jamais commercialisée.

Suivront les Ferrari 250 GT coupé et cabriolet Pininfarina 1959, la Corvette Daytona 1985, l'Alpine A310, les Cadillac, d'autres Ferrari et même les VW ou Corvette de la gamme Century. Pas mal pour un an et demi d'activité. Mais parti en vacances sur la Côte d'Azur, il rencontre à la bourse d'échange de Cogolin Jean-Claude Varvier, alors bras droit de Xavier de Vaublanc chez Provence Moulage. Et notre nordiste de prendre son baluchon pour s'en aller travailler sous le soleil d'Aubagne. Là, en deux ans, il conçoit 77 prototypes ou modifications avant de retourner dans son Tournaisis natal.

Pour lui, et même si la démarche n'était pas calculée au départ, l'apprentissage est terminé. Son nom gravé sur certains châssis, lui vaut d'être sollicité pour travailler à la maison pour le compte d'autrui. Ainsi MOG le sollicite et trente mois durant, Etienne va se lancer dans l'avant-dernier épisode de sa carrière de maquettiste. Car mi-91, il décide de travailler pour son propre compte et crée Renaissance.

Un label...

Un nom qui ne doit rien au hasard. Pour Etienne Dhont, une reproduction est une seconde naissance. "J'ai horreur des abréviations, des "appellations contrôlées" et je voulais un nom qui soit aussi facile à prononcer en français qu'en anglais." Ainsi opte-t-il pour Renaissance, signature qui va vite devenir un label. Car pour ne pas ajouter une gamme de kits de plus à celles existantes, il part sur deux principes. Premièrement les Renaissance ne s'ajoutent pas au marché. Simplement le travail qu'un prototypiste exécutait jusque là pour d'autres va porter son propre nom. Et ensuite il va pouvoir faire ce qu'on lui a refusé jusqu'ici, à savoir une miniature où les détails fourmillent "Je ne comprends pas qu'au début des années 90 la plupart des artsans se refusaient de reproduire les attaches capot. J'ai toujours été influencé par le plastique et je veux que mes kits soient des maquettes au 1/43." 

Ca c'est la théorie. La pratique est moins évidente. Car à vouloir trop coller au plastique, Etienne Dhont commence par une Ferrari au 1/24°, échelle pas vraiment prisée dans le monde du kit en résine. Un spyder California dont la sortie n'est pas des meilleures pour les finances de la jeune société. Rapidement, le tir est rectifié avec un retour vers le classicisme donc le 1/43. Et histoire de ne pas se louper une seconde fois, le modèle choisi est la Lancia-Ferrari-D50, une championne du monde. En fait, Etienne fait "coup double" car il a une passion -presque- sans borne pour les voitures des années 50-60. Nürburgring, Spa, Silverstone, Monaco, Monza, Reims, Renaissance a prévu de pouvoir faire un maximum de versions 56. Un produit nouveau, sophistiqué, avec un ensemble porte-moyeu/suspension/barre anti-roulis en white-métal, des tambours de freins et des échappements tournés, un chassis tubulaire bien présent, bref des détails que l'on ne retrouve que chez Scale Racing Cars ou Tameo. Et d'enfoncer le clou avec un nouveau kit pour la version argentine aux réservoirs latéraux détachés de la coque. Suivent alors la Ferrari 857S puis la 121LM (bientôt épuisée) et enfin la 250TR 1958. Nous voilà déjà en 1993, année marquée par le retour en grâce des GT. Là Etienne Dhont rajeunit de 17 ans en retrouvant comme un parfum de Groupe 5. Mais la situation financière de Renaissance est délicate et il va falloir trouver LA bonne idée, celle qui doit permettre de continuer.

Se crachant dans les mains, il joue à fond l'idée du kit ultra-détaillé. Jantes avec les freins, arceau de sécurité monobloc et en résine, tableau de bord et intérieur précis, nombreuses pièces photodécoupées; ce choix va s'avérer excellent. Premier modèle de la gamme Intégral, la 911 Turbo S Le Mans va être le kit de la situation. Certes, le moulage pose encore quelques problèmes mais fondamentalement Renaissance tient le bon cap. Car, nouveauté dans le domaine du kit qui en est pourtant à son quart de siècle, voici une miniature où les portes s'ouvrent sur un intérieur jusqu'ici reproduit à sa plus simple expression. "Pourquoi mettre force détails à l'habitacle s'il est impossible de les voir? Voilà d'où vient l'idée des portes ouvertes. Il est toujours frustrant pour un maquettiste de passer deux heures à reproduire un pédalier pour ensuite l'enfouir à tout jamais dans un cockpit qui ressemble à un coffre-fort." 

La machine est lancée et ne va pas cesser de prendre de la vitesse. Car l'idée a reçu un bon accueil chez certains collectionneurs. "Ma clientèle est composée de gens qui préfèrent ne monter que deux ou trois kits par an mais détaillés et de vieux habitués lassés de produire en série des miniatures qu'ils trouvent de plus en plus souvent très bien faites en ce qui concerne l'aspect extérieur chez les industriels. Notre clientèle n'est pas celle de Starter ou Provence Moulage." 


Etienne Dhont a une notion très personnelle de ce que doit être un kit. "Standardisation et simplification sont à éviter. Un bon kit doit compter de 60 à 80 pièces. Par contre la Mc Laren F1 GTR, dont l'arrivée correspondra avec celle du printemps, en aura 200 et à ce titre peut prétendre à l'appelation de kit sophistiqué. Vu nos chiffres de production, cela semble intéresser pas mal de monde. Ainsi la Colluchi a été vendue à 600 exemplaires et la Nissan 300ZX pourtant disponible un an après la Provence Moulage et la Starter tourne aux environs de 400 pièces alors qu'elle n'est sortie qu'en octobre." Pour l'heure, la meilleure vente reste la Lancia D50 qui va passer le cap des 1000 kits. Une barre symbolique pour une société de 3 salariés.

Modernisation et tradition

Car Renaissance n'a rien de la PME traditionnelle. Installée dans les combles de la maison familiale, tout, de la conception à la mise en boîte, se fait dans... 30m2! Pour ses modèles, Renaissance allie modernisme et travail traditionnel. Premier stade, l'étude de la carrosserie et de l'intérieur de 20 à 100 photos. "Pour la Nissan, c'était indispensable." La phase suivante est le dégrossisage sommaire d'un bloc de Sintofer avec - précision importante - les roues définitives déjà installées. Pour cela, Etienne tourne 4 jantes et taille les pneus de façon à assurer une unité au produit. "Combien de miniatures pèchent par leurs roues disproportionnées? Et il y a rien de plus ridicule qu'un proto déguisé en 4x4 ou une F1 où il faut tordre les bras de suspension pour qu'elle ne frotte pas par terre." Une fois la carrosserie bien ébauchée, arrive la première prise d'empreinte, histoire de tirer une résine qui permettra de dessiner les parties photodécoupées et quelques accessoires tournés ou en white-métal. Mais il faut attendre le retour de tous ces composants pour avancer vers un ajustage définitif. Ce n'est qu'après que commence la production. 

La gestation des protos de Renaissance est très longue. Et non seulement  il faut compter deux à trois mois là où la concurrence met 3 semaines mais la méthode a une inévitable incidence sur le prix. Apparemment, les inconditionnels acceptent cette façon de travailler. "Personne ne m'a dit que ma Venturi La Tuile était trop chère car es clients savent qu'ils ont un produit exact entre leurs mains." Sur place sont réalisés les moulages de la résine, celui de la plupart des pneumatiques et des thermoformage. En revanche, les pièces tournées ou décolletées et la fabrication des photo-découpes et des décalcomanies sont sous-traitées, pour la plupart à l'étranger pour de simples questions commerciales.

Avec le même soin apporté à la conception puis à la fabrication, Etienne Dhont veille à ce que la notice soit la plus complète possible. Pour cela, il fait appel à l'ordinateur (avec lequel il a déjà dessiné les pièces photo-découpées et les décalcomanies). "Toujours mon retour sur la maquette plastique. Il n'y a rien de plus énervant que de ne pas savoir où va une pièce, de quelle couleur il faut la peindre et dans quel ordre procéder. C'est peut-être possible pour un kit à 10 composantes mais pas quand il y en a 50. Et pour la McLaren qui comptera 200 pièces environ avec quelques nouveautés comme les parties ouvrantes, l'apparition du premier moteur, de la première boîte de vitesse et d'écrous de roues centraux à visser sur le filetage des axes de roues, le meilleur moyen de décourage le client est de ne pas l'aider dans son montage." Et pour ceux qui estiment ne pas avoir assez de documentation, Renaissance propose depuis le début de ce mois une série de feuilles d'informations en couleurs par voiture de la gamme, sortes de fiche permettant aux plus exigeants ou à ceux qui n'ont pu se déplacer de fignoler encore un peu plus leur travail.

Aujourd'hui la situation de l'artisan Lillois est stabilisée. Apparemment Etienne Dhont a ses fidèle et voit dans la situation économique actuelle plus de raisons d'espérer que de douter. "La crise me favorise en ce sens que les collectionneurs ont tendance à moins se précipiter, à comparer, ce qui compense partiellement mes arrivées tardives sur le marché. Et comme mes clients sont exigeants, ils sont près à attendre. Mon concurrent n'est pas Provence Moulage mais plutôt Le Mans Miniatures qui recherche lui aussi le détail. Aussi essayons nous de travailler en tenant compte l'un de l'autre. Pour les autres artisans c'est plus dur car leurs marchés ne sont pas les miens." Une cinquantaine de références sont au catalogue dans trois séries au nom et à la philosophie différentes. "Renaissance est associé à la notion de voiture ancienne alors qu'Intégral correspond à quelque chose de plus moderne comme les casques du même nom. Quant à Alternative, il s'agit de transkits adaptables sur des produits industriels permettant d'en réaliser une... alternative. Cette gamme est peu développée car elle doit marcher avec des bases peu chères. Sinon autant faire un kit complet." Mais Etienne Dhont ne veut pas qu'il soit dit que ses miniatures sont compliquées. "Elles sont longues à monter. Mais il n'est pas obligatoire de tout monter. Si vous choisissez l'option portes fermées pourquoi installer le pédalier? Certains attache-capots ou l'arceau peuvent être "oubliés" comme sur nombre d'autres marques de kits. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous gardons en catalogue les kits en version simplifiée, portes fermées. Un collectionneur ne va pas acheter sept McLaren aux portes ouvertes. Ceci étant, je monte toujours un de mes kits pour voir sur quel problème peuvent éventuellement buter les clients. C'est pour cela aussi que nos notices font 4 page, voire 6 pour la Venturi La Tuile." 

Au rytme de 4000 kits par an, chiffre incomparable avec les autres artisans du fait de la complexité du produit, Etienne Dhont poursuit son bonhomme de chemin, tentant de gérer au mieux un problème de disponibilité. "Nous avons un gros trimestre de reliquats, ce qui se passe plus ou moins bien chez certains clients. Mais impossible d'embaucher pour se retrouver ensuite dans le cas de figure inverse." Avec le 1/24° et la production d'accessoires ("le résultat d'une demande plus que la nécessité d'amortir les investissements. Ainsi, j'ai réalisé des jantes de F 40 GTE alors que je n'ai pas cette FERRARI à mon catalogue simplement parce qu'elles me plaisent.") Le temps passe vite. Aussi Etienne a-t-il récemment fait appel à Francis Bensignor pour la création de la Chevrolet Lumina Nascar puis de la Riley & Scott, un modèle prévu bien avant sa victoire aux dernières 24 Heures de Daytona et qui, malgré une "grossesse" de douze mois, arrive à point nommé. Le futur? La Ford Escort de Delecour au dernier Monte-Carlo et la Renault Clio Maxi de Ratz seront disponibles quand vous lirez ces lignes. Plus tard l'Alfa Romeo 159 de Fangio en 1951, la Maserati 250 F de 1954, les Testa Rossa 1959 et 1960, les Subaru de Béguin et Tilbert au dernier Monte-Carlo et les Megane suivront. A ceux qui pourraient s'étonner de ce choix en apparence disparates, Etienne a une réponse : "Il y a des voitures que j'aime, celles qui plaisent aux collectionneurs et celles que je ne peux refuser de faire." Ainsi pour les deux dernières citées, il faut savoir que Tilbert est lui aussi de Faches-Thumesnil et a été à l'école de mon frère. Quant à la Megane, nous avons été sollicités, comme pour la Clio en 1995, par Renault Presse  ; difficile de dire non. Sinon je pense aussi à plusieurs dioramas du style de la Subaru au RAC 95 (livré avec un socle reproduisant un morceau de sous-bois plus des personnages). Pourquoi pas un morceau de banking avec les Riley & Scott? Par contre, nous allons faire un peu moins de variantes et supprimer certaines références. Sans chercher à égaler des kits comme les Bossica, et tout en sachant que le prix limitera nos possibilités, je crois de plus en plus aux produits détaillés. Il faut quele kit au 1/43° évolue et passe du simple assemblage au niveau technique de la maquette plastique. C'est en tout cas le but que je poursuis.