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Visite de Hilario, Ilario rime avec Maranello, un article de Jean-Louis Blaisius (janvier 2001 pour Auto Modélisme N°54)

Le lac, le canal, le Parmelan, le château des Ducs de Savoie... Ces images viennent à l'esprit dès que l'on évoque Annecy, mais les amateurs de miniatures y ajouteront peut-être bientôt Ilario. C'est là que ce fabricant fait naître des Ferrari au 1/43, aussi belles que les vraies!

Avec son diplôme d'études commerciales en poche, Ilario Chiera déambule dans les rues d'Annecy. En cette année 1984, il vient d'avoir 18 ans et est au chômage. Par le plus grand des hasards, il passe devant une boutique bien connue des amateurs, Annecy Miniatures, c'est le choc... Là, en vitrine, devant ses yeux émerveillés, il découvre la reproduction d'une Ferrari 288 GTO au 1/43°. Né dans la capitale haut-savoyarde, Ilario n'est pas moins d'origine italienne et une Ferrari provoque chez lui un émoi bien légitime : "surtout la GTO! Pour moi, se souvient-il, cette voiture qui venait juste de sortir constituait le summum de la puissance, de l'élégance et de la sportivité. Je me suis renseigné immédiatement sur le prix, mais celui-ci était évidemment beaucoup trop élevé pour le jeune homme sans emploi que j'étais alors. Avec beaucoup de gentillesse, le vendeur m'a expliqué qu'il s'agissait d'un kit monté, produit par une firme artisanale française dénommée Record. Cela expliquait son prix, mais il a aussitôt ajouté que l'on pouvait acquérir le même modèle, en kit, pour une somme bien plus abordable". L'achat est immédiatement effectué et Ilario rentre chez lui, non sans quelques accessoires, comme de la colle et une bombe de peinture, et quelques utiles conseils du vendeur pour assembler ces curieux éléments en résine. Quelques jours plus tard, il retourne à la boutique pour faire admirer la belle Ferrari, revêtue d'un brillante et immaculée robe rouge, et surtout recueillir les avis et critiques. Non seulement il reçoit les félicitations, mais impressionné par son talent, les responsables de la boutique lui demandent de travailler pour eux! "En une semaine j'ai obtenu la carte de la chambre des métiers je me suis installé et j'ai entamé une carrière de monteur de kits, activité qui a duré une bonne année."

Hilario avec un H

Survient alors un événement qui va avoir une influence importante dans l'existence d'Ilario CHiera : il rencontre Cornelis Hoogstadt, un néerlandais fraîchement arrivé à Annecy, désireux de se lancer dans la fabrication de prototypes miniatures. L'affaire est rapidement conclue et notre monteur abandonne son métier pour devenir fabricant de kits. Pour la marque, pas de problème : il choisit son prénom, simplement précédé d'un H. A partir des prototypes, la fabrication de toutes les pièces est sous-traitée dans la région annécienne. Le premier modèle Hilaro reproduit déjà une Ferrari, une 365 GT4 BB Koenig. "Certes, reconnaît-il, ce n'est pas la plus belle, mais ces voitures étaient fort à la mode et les collectionneurs appréciaient leur allure agressive. Mais ce qui m'étonne le plus, encore aujourd'hui, c'est qu'à l'époque, je n'ai absolument pas eu l'idée d'en produire une série toute montée!"

Les années suivantes, les choses vont aller vite et une équipe se crée autour de Cornelis Hoogstadt pour commercialiser une intéressante série de miniatures sous la marque Hostaro, dans laquelle est intégré Ilario Chiera qui se souvient de cette époque comme une "remarquable phase d'apprentissage". Pendant un peu plus de 3 ans, il peut se familiariser avec les difficiles méthodes de réalisation de prototypes et les techniques de moulage de la résine.

Hostaro ayant dû renoncer à son activité, Ilario Chiera se remet à assembler des kits pour le compte d'une boutique, installée cette fois loin d'Annecy. Il collabore pendant environs une année avec Starter pour effectuer du montage, puis avec Jean-Michel Deroy, en train de créer la gamme European Model Products.

Pour intéressantes qu'elles soient, ces activités ne satisfont pas pleinement. Au fond de lui-même, Ilario souhaite travailler pour son propre compte, reproduire et assembler comme il l'entend les modèles qui lui plaisent. Il faut sauter le pas... Ce qu'il faut en septembre 1996 en créant sa société et la marque Carbone43. Carbone, tout simplement parce que ce matériau est largement employé dans la fabrication des Supercars et voiture de compétition. Mais au milieu des années 1990, les grands noms de la miniature artisanale solidement implantés et les voitures capables de séduire les collectionneurs sont déjà adondamment reproduites. Sur les conseils d'Yves Evrant, il choisit léchelle 1/87°, apparemment moins encombrée que le 1/43°. Un belle gamme de Ferrari à l'échelle HO, au milieu desquelles se glisse une unique Porsche, voit donc le jour. Néanmoins, la diffusion des modèles au 1/87° reste limitée, surtout en France, et en recherchant des débouchées, Ilario Chiera rencontre Bernard Hue, le patron de Momaco. Celui-ci croit d'abord à la possibilité de développer le marché du 1/87°, et un accord de distribution est signé. Mais le stock grandissant de modèles invendus conduit bien vite le fabricant et le distributeur à réviser leur jugement : en dehors de l'échelle 1/43°, point de salut!

"Il se trouve que Bernard Hue recherchait, à ce moment-là, un produit haut de gamme pour occuper la place que Western Models tenait auparavant. De mon côté, je n'avais connu que des déceptions avec les miniatures vendues bon marché, pour lesquelles il fallait faire passer la notion de prix de revient avant celle de la qualité. J'étais persuadé, et je le suis toujours, que de nombreux collectionneurs étaient prêts à payer à sa juste valeur une miniature extrêmement soignée, et qu'il n'était pas nécessaire de produire des milliers de modèles, avec une ligne et une finition approximatives, pour gagner sa vie. En d'autres termes, je partagerais totalement l'analyse de Bernard Hue sur l'existence d'une vraie demande sur le marché haut de gamme. Restait à concrétiser ce qui n'était, pour l'heure qu'un projet." Effectivement, si tout commence par une idée, il faut ensuite être capable de la mettre en oeuvre. Certes, Ilario n'en est pas à son coup d'essai, mais c'est tout de même avec une petite appréhension qu'il prend la décision de lancer une gamme "de luxe", venant directement concurrencer des marques réputées, comme BBR, Brianza ou Héco Modèles.

Ferrari c'est magique!

L'appellation est vite trouvée : Ilario, cette fois-ci, sans le H de la première époque. Une façon de marquer le changement dans la continuité, et aussi de s'impliquer totalement dans l'aventure, car Ilario, c'est son prénom. Le choix du thème ne fait pas l'ombre d'un doute : ce sera Ferrari! "Je ne suis pas un Tifoso ou un fanatique, se défend notre maquettiste. Mais je suis toujours fasciné par le nombre de voitures différentes qui ont existé, par leur châssis, leurs mécaniques et surtout leurs carrosseries. Les plus grands carrossiers ont été séduits par Ferrari, et leurs créations ont été souvent des chefs-d'oeuvre. Si toutes les carrosseries ne se sont pas élégantes, elles sont souvent originales. En cinquante années, Ferrari a été présent partout, sur la piste, et dans les concours d'élégance. C'est tout cela qui, à mes yeux, rend Ferrari magique!" A en juger par le grand nombre de collectionneurs qui aligent, dans leurs vitrines, les reproductions des voitures nées à Modène, son opinion est largement partagé. Le hasard faisant quelquefois bien les choses, Ilario Chiera n'a aucun mal à trouver le prototype de son premier modèle : un de ses amis, médecin de profession et grand amateur de Ferrari devant l'Eternel, vient justement de mettre la dernière main à une superbe 512S qui, après quelques modifications destinées à faciliter son moulage et son montage en petite série, donne naissance, sans plus tarder, aux quatre premières références de la gamme Ilario.

"Dès cette première création, toutes les caractéristiques de la série ont été définies. J'ai choisi de ne produire que des miniatures en série limitée, avec 250 exemplaires au maximum  pour une clientèle de connaisseurs, privilégiant la qualité par rapport à la quantité. Créer environs 4 modèles par an me semble aussi être un bon rythme, autant que mes propres capacités de production que pour le pouvoir d'achat de mes clients. Précision des détails, pièces photo-découpées, peinture soignée se sont évidemment traduits par un prix de vente élevé. Fixé au départ à 1500 FF, il a pu être récemment ramené à 1200 FF, grâce à une redéfinition des marges et une meilleure commercialisation. Afin de rendre mes modèles accessibles à des passionnés qui ne pourraient investir un tel prix, je les propose aussi en kits, en série de 150 exemplaires.

Cher mais beau!

Il est certain qu'une miniature Ilario est chère, mais il faut savoir que les productions concurrentes se situent au même niveau de prix. Et lorsque l'on sait comment travaille l'artisan annécien, on s'aperçoit vite qu'il ne peut pas en être autrement. "J'attache une importance essentielle à la conception du prototype. J'en réalise moi-même et j'en fais fabriquer par des maquettistes. Le prototype doit quasiment répondre à des contraintes industrielles d'abord pour le moulage de chacun des éléments, mais surtout pour l'assemblage. C'est dès le départ qu'il faut exactement savoir comme chaque pièce va venir trouver tout naturellement sa place, sans retouche ou sans devoir l'adapter de force. Il faut aussi tenir compte des épaisseurs de peinture et de l'ordre logique d'assemblage, pour éviter ensuite de perdre du temps. Pour le montage lui-même, mon expérience passée m'a appris que tous les éléments doivent trouver leur place de manière naturelle, la colle n'étant là que pour sécuriser l'assemblage et lui garantir une bonne solidité dans le temps. De manière concrète veut par exemple dire qu'un pare-brise doit avoir la forme adéquate pour entrer dans sa baie, et que ce n'est que la colle qui doit maintenir galbé un simple morceau de plexiglas plat. Il en va de même pour la peinture, qui doit exactement respecter la couleur de la vraie, être profonde sans trop d'épaisseur, être brillante sans nécessiter trop de vernis. Je recherche toujours la plus grande précision pour chacun des détails, afin de parvenir à la plus grande fidélité possible. Le tableau de bord d'une Ferrari 250 GT California Von Trips nécessite, à lui seul, l'assemblage de douze pièces! Selon moi, ce n'est qu'en respectant de telles exigences que l'ont peut offrir aux amateurs de miniatures de haute qualité, capables de passer de longues années en vitrine sans s'altérer."

Ilario Chiera a installé son atelier dans sa villa, construite dans un charmant village, à quelques kilomètres du centre d'Annecy. Il travaille seul, ce qui lui permet d'être sûr de la qualité de ses produits mais qui l'empêche de faire porter ses efforts sur tous les chapitres. Ayant choisi de s'investir sur la création, la peinture et l'assemblage, il s'adresse à des artisans réputés pour la production des carrosseries et châssis en résine,; la fonderie de petites pièces en métal blanc, le chromage, le photo-découpage, l'impression des décalcomanies, la fabrication de pièces décolletées. La plupart d'entre eux sont établis en Haute Savoie, ce qui facilite la collaboration. Les pneus et les boites, composées d'un socle-podium et d'une vitrine en plastique cristal, le tout glissé dans un étui cartonné, sont achetés à des fournisseurs spécialisés.

Les modèles sont mis en production par lot d'environs une trentaine. "Au delà, avoue Ilario, les tâches deviennent vraiment trop répétitives et l'attention se relâche. De plus, ce rythme permet de stocker que des pièces détachées et non des modèles finis, ce qui est plus satisfaisant en terme de gestion d'entreprise." Actuellement, la gamme comprend 16 références, auxquelles vont bientôt s'ajouter la Ferrari P5 Pininfarina 1968 et la Ferrari Studio CR25, dont la parution est prévue dans le courant du premier trimestre 2001.

Ayant tout misé sur la qualité, Ilario Chiera a aujourd'hui gagné son pari : non seulement en France mais aussi à l'étranger, il a conquis une clientèle fidèle qui a tendance à s'étoffer. Néanmoins, ceux qui souhaitent entreprendre cette collection doivent se dépêcher : si tous les modèles, à l'exception de deux version de Ferrari 512 S, sont encore disponibles, il ne reste que 7 exemplaires de la Ferrari 250 GT SWB California Von Trips châssis 2537 GT!

Des Ferrari françaises, un article de Jean-Louis Blaisius (juillet-août 2016 pour Auto Modélisme N°115)

Ilario est la seule gamme artisanale française officiellement "labellisée" par Ferrari. De plus, elle réunit des Ferrari plutôt originales. voilà au moins deux bonnes raisons de s'y intéresser.

AM - Pourquoi n'y a t-il dans votre gamme que des Ferrari?

IC - Peu de nouveaux modèles sortent chaque année dans ma gamme, alors je les consacre exclusivement à ma marque préférée.

AM - D'où vous vient cette passion pour la marque de Modène?

IC - Lorsque j'ai découvert l'univers du 1/43, j'étais entouré de "Ferraristes" fervents, ils m'ont transmis leur passion. De plus je suis d'origine italienne, alors forcément cette culture et cette forme d'esthétisme me correspondent. L'histoire et la diversité des carrosseries créées par cette firme de la "haute couture automobile" ont fini de me convaincre!

AM - "Labellisé" par Ferrari, qu'est ce que cela signifie?

IC - Etre reconnu par Ferrari c'est comme accéder au "carré VIP", on fait parti officiellement du mythe. Tout "label" est garantie de qualité. Celui-ci est l'assurance pour le collectionneur d'avoir en main une miniature qui est le reflet de la vraie voiture tant dans la forme, le traitement des détails, des couleurs ou de la véracité historique.

Chaque miniature avant commercialisation est soumise à l'approbation de l'usine et c'est un vrai plaisir lorsque Ferrari apprécie et approuve ma dernière réalisation!

AM - Comment obtient-on ce label et comment se passent les relations avec Ferrari?

IC - Plus d'un an de négociation a été nécessaire. Il faut tout expliquer, dire qui on est, ce que l'on fait et ce que l'on va faire. Un contrat est établi, et pour l'anecdote, il faut savoir que c'est un document de trente page! C'est un contrat très sérieux, qui prévoit tout. Ferrari exige que l'on souscrive une assurance couvrant tous les risques qui pourraient survenir avec le produit fabriqué et, par voie de conséquence, avoir un impact sur l'image de la marque. Les "royalties" doivent être régulièrement versées sur le chiffre d'affaire estimé, avec une régularisation annuelle. Il faut donc fournir toutes les garanties bancaires assurant ce paiement. Ensuite, on entre dans le fonctionnement "normal" des relations avec la firme italienne : faire valider le programme, les dates de réalisation du prototype, des pièces et du lancement de la production, déclarer le nombre d'exemplaires fabriqués et dans quels délais, faire accepter le prototype et effectuer les éventuelles corrections, enfin se conformer à la date fixée par Ferrari pour la mise sur le marché. Bref, c'est compliqué, surtout pour un artisan et, tout cela a un coût qui accroît le prix du modèle.

AM - Ilario, ce sont des miniatures made in France. Cela devient rare. Ne pensez-vous pas devoir, vous aussi, prendre le chemin de la Chine?

IC - Ilario est et restera une gamme de modèles fabriqués et assemblés par les mains de leur créateur. Elle est le reflet de ma personnalité. On y retrouve une partie de mes qualités mais aussi de mes faiblesses. C'est pour cela que beaucoup de mes clients y sont attachés, ils s'offrent de vraies pièces de collection, fabriquées par l'artisan lui-même, reflet d'une époque qui disparaît peu à peu, laissant place à des miniatures de plus en plus souvent conçues par ordinateur qui finalement ont perdu de leur saveur. 

J'ignore encore si une nouvelle gamme fabriquée en Chine verra le jour, cela n'est pas totalement exclu. Après Gasoline de BBR, Look Smart de MR pourquoi pas une petite soeur à la gamme Ilario ?!

AM - La gamme Ilario est uniquement composée de modèles au 1/43. N'avez-vous jamais envisagé une diversification vers le 1/18°?

IC - J'ai encore trop de choses à partager au 1/43 pour délaisser cette échelle, alors le 1/24 ou le 1/18 attendront bien encore un peu!

AM - Une Ferrari FXX est annoncée dans votre gamme. Ce sera la première Ferrari actuelle, alors que votre gamme est orientée vers la voitures "historiques". Cela traduit-il un changement d'orientation?

IC - J'aime toutes les Ferrari, qu'elles soient modernes ou anciennes. Une auto actuelle dans la gamme n'est pas coutume, et je continuerai à offrir aux passionnés de cette marque des modèles souvent inédits au 1/43 donc anciens, mais aussi des autos particulières plus récentes comme la FXX ou la Ferrari M3 (base de F348) qui a servi de prototypes à la Enzo, notamment pour l'essai du moteur et du train arrière. D'autres encore verront le jour et même certaines en kit. J'aimerai surtout rester fidèle à cette ligne conductrice qui m'incite d'abord à reproduire des modèles inédits ou peu reproduits, ou encore apporter "ma vision" d'une auto dont la miniature est peu satisfaisante à mes yeux.

En terminant, je voudrais dire un grand merci à tous ceux qui soutiennent encore la poignée d'artisans qui reste, et nous permettent de continuer à faire ce métier que nous aimons tant!

Depuis la rédaction de cette article, la suite de l'histoire... (par MINI-AUTOS)

- Ilario Chiera est toujours en activité et vous pouvez visiter sa boutique en ligne en cliquant ici!