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Visite de Starter & Provence Moulage suite à leur fusion, avec interview de Rémy Elkoubi, un article de Jean-Marc Teissèdre (mars 2001 pour Auto Modélisme N°56)

Parler de cohabitation difficile entre Provence Moulage et Starter n'a rien d'un euphémisme. Depuis leur création au début des années 80, ces deux sociétés basées à une dizaine de kilomètres l'une de l'autre n'ont cessé de se disputer le titre honorifique de premier artisan de France. Autant dire qu'on ne s'est jamais fait de cadeau entre Marseille et Aubagne. Au début, ce débat ne concernait que des kits en résine. Le match a longtemps été équilibré mais après la disparition d'un de ses animateurs, Starter a semblé vaciller avant de trouver son salut dans le lancement d'une gamme de modèles finis où l'on retrouve quelques uns de ses kits. Les querelles de clocher semblaient donc terminées sauf que chez Provence on a l'impression que nombre de protos maison ont une double destination. Et là, alors que le ton monte, arrive Rémy déboulant de nulle part, ou plutôt de nulle filière connue du modélisme, Rémy Elkoubi commence par racheter Provence Moulage en 1999.

Pourquoi?

- J'ai su dire VROOM VROOM avant papa maman, ce qui a énervé mes parents. Plus sérieusement, j'étais dans le transport routier. Après avoir vendu mon entreprise, j'ai voulu réussir le virage de la quarantaine en conciliant passion et raison. Au bout de mes rêves j'aurai voulu devenir constructeur de véritables voitures. Mais justement il ne fallait pas rêver. Et puis, le hasard m'a mis en rapport avec Xavier de Vaublanc, le fondateur de Provence Moulage. De rencontres en discussions, nous sommes tombés d'accord pour que je reprenne la suite. En fait, je ne sais pas s'il faut parler de hasard car chez moi, le travail est une nécessité. Alors autant que ce soit dans un domaine ludique. Et sur ce plan, par rapport aux soucis du transport, le modélisme c'est génial!

Qu'avez vous changé chez Provence Moulage depuis vingt-quatre mois?

J'ai apporté le regard du candide sur le monde du kit qui est un secteur très stable. Provence est une référence en ce milieu. Mais il fallait faire évoluer le produit pour fixer la clientèle. Le kit est, d'une certaine façon, un produit de luxe. Il faut donc que tout ce qui est autour soit en harmonie avec cette notion. Ainsi j'étais choqué de voir des notices de montage qui, à mes yeux, n'étaient que des schémas simplifiés pour monteurs professionnels. J'ai donc essayé d'améliorer la qualité de présentation de nos produits. Après j'ai voulu perfectionner la qualité du travail dans l'entreprise en créant des postes comme celui de graphiste, jusqu'ici inconnu. Ensuite, je me suis préoccupé de ramener la production à l'intérieur de l'entreprise pour mieux gérer les nouveautés et le stock. Enfin, nous nous sommes mis à l'écoute du marché en créant des supports interactifs avec nos clients. Mais il reste encore du travail à faire.

Comme quoi?

- Nous devons améliorer la qualité de certaines pièces. Ainsi, il n'est pas normal que nos kits soient les seuls sans arceau de sécurité. Nos ailerons sont fragiles. On ne va plus les mouler mais les injecter comme le faisait jusqu'ici Starter. En plus, qui ne progresse pas régresse. Et dans le milieu du kit la marge de sécurité pour tomber du mauvais côté est minime.

Est-ce pour des raisons techniques que vous achetez Starter?

- Je suis sûr que Provence Moulage est une référence dans le monde du kit mais je ne suis pas sûr que cela nous garantisse un espoir de progression sur le marché. Pour cela, il faut augmenter les possibilités d'offre. Dans notre domaine et sans quitter le monde artisanal, cela veut dire proposer du kit, du prépeint et du monté comme le fait BBR. En associant Provence Moulage et Starter, je mets en commun deux bonnes images de marque, un trésor de masters (NDRL : environ 2800), une masse énorme de savoir-faire technique et simplifie nombre de problèmes à commencer par celui des doublons, le tout dans des domaines complémentaires. A nous maintenant d'établir la bonne stratégie pour qu'il n'y ait pas de confusion entre les deux gammes.

Il va donc rester deux noms et deux gammes?

- Non trois, car Provence avait un embryon de série monté, du nom de Nationale 7, avec sa spécificité. Il n'est pas utile de le faire disparaître. Starter et Nationale 7 ne feront donc que du tout monté et Provence Moulage du kit. Et pour que les choses soient bien claires, Nationale 7 ne s'intéressera qu'aux Françaises des année 40 à aujourd'hui. Ainsi, les Aronde actuellement chez Starter vont se retrouver dans cette gamme. Par contre Starter est et restera une gamme à connotation compétition et poursuivra ses séries en cours comme les vainqueurs du Mans, les monstres sacrés du rallye ou les reines des circuits.

Donc rien ne va changer?

- Si, pour éviter toute confusion il n'y aura plus de doublons. Il n'y aura pas de nouveautés disponibles à la fois en kit et tout monté hormis quelques exceptions comme le vainqueur du Mans. Mais la grille de départ des 24 Heures, qui est le fond de commerce de Provence Moulage, le restera. Il n'y aura donc pas d'autres voitures du Mans tout montée chez Starter. Aucune Courage, Lola ou Cadillac du Mans 2001 à moins que l'une d'elle ne s'impose. Cela ne concerne que les nouveautés.

Ce qui est déjà au catalogue Starter y restera jusqu'à épuisement de la référence. Par contre, il va y avoir redistribution entre les deux gammes. Certains kits actuels Starter, comme la Ferrari 312 PB du Mans 1973 ou des Porsche 962, vont se retrouver référencés chez Provence Moulage après une cure de jouvence au niveau des détails ou de la notice de montage alors que certaines références Provence Moulage comme les Aston Martin ou Jaguar de route vont passer chez Starter. Cette fusion est l'occasion d'un vaste brassage entre les deux gammes et va permettre d'exhumer des références aujourd'hui oubliées, et faire plaisir aux jeunes collectionneurs qui n'ont pas eu la chance de pouvoir se les procurer.

Quand tout ce remue-ménage sera-t-il palpable?

- Dans quelques mois car après l'état des lieux, il faut maintenant digérer le regroupement physique des deux sociétés sur un seul site. Cela va prendre un peu de temps, disons jusqu'à l'automne.

Peut-on transformer aussi facilement que vous semblez le dire un kit en modèle monté et vice-versa?

- Une des clefs de la réussite de cette fusion est notre capacité à maîtriser les problèmes techniques. Pour cela Jean-Pierre Calligaro, fondateur de Starter, devient responsable technique du groupe pour les deux ans à venir. J'ai confiance en lui et, si je peux oser la comparaison, je dirais que, devant une machine-outil, c'est un vrai pitbull. Il ne lâche le morceau qu'une fois qu'il a obtenu ce qu'il veut. Il est prêt à revoir chaque modèle un à un, faire un diagnostic et se mettre aux manettes pour permettre de transformer une Provence en Starter et vice-versa. C'est plus dans le premier cas que dans l'autre que peuvent se poser des problèmes. Au passage, nous allons en profiter pour améliorer la qualité de certains modèles Starter qui pêchent sur des points comme les roues ou la peinture. Il faut savoir que la production de cette marque est jusqu'ici partagée entre deux lieux de fabrication, un en France, l'autre à l'étranger. Résultat, l'ensemble manque d'homogénéité surtout pour la partie Made in France. Le recentrage de la production est donc primordial. Ainsi pour la peinture, Provence Moulage a une très bonne cabine. Dorénavant c'est là que va se faire une partie de Starter.

Mais le montage à Madagascar va-t-il continuer?

- Contrairement à ce que l'on pourrait croire, son prix de revient est très élevé et il faut une personne sur place ce qui était le cas pour Starter. En plus, la capacité de production de ces gens est limitée si bien que je dois envisager des solutions de proximité. Comment influer sur la qualité d'un atelier placé à 5000 kilomètres? C'est pour cela, et contrairement à ce qui a été dit, Provence Moulage n'ira jamais fabriquer en Chine. Au contraire, je vise à tout recentrer sur Aubagne et ses environs en développant le travail à l'italienne.

C'est-à-dire?

- Assurer la production à travers le travail à la maison avec des personnes qui peuvent consacrer 5 à 6 heures par jour à Provence Moulage. De Burago aux artisans italiens, ils travaillent de cette façon. C'est avant tout une question d'organisation. Mais en étant sur place, on peut réagir rapidement à n'importe quel problème. Et si un secteur pêche, il y a toujours une solution de remplacement.

Ne craignez-vous pas l'arrivée sur le marché de marques comme Spark ou pire des modèles en résine comme en produit Vitesse?

- Absolument pas. Ce genre de modèles en résine n'a qu'un potentiel très limité. Combien Spark va-t-il vendre de Riley&Scott? Et pendant que cette marque travaille sur les vainqueurs de Daytona 97 ou 99, elle ne crée pas une autre voiture. Je suis bien plus attentif aux productions industrielles en zamac car là, la sanction commerciale peut-être terrible. Regardez l'Audi R8 de Quartzo. Elle est tellement belle que c'est une catastrophe pour les artisans qui vont avoir du mal à faire mieux pour le même ordre de prix.

Que représente fin février 2001, Provence Moulage?

- Aujourd'hui, 20 personnes.

Vous considérez-vous toujours comme un artisan?

- Oui, au même titre que BBR. Ce n'est pas le nombre de salariés mais la méthode de travail et les volumes de vente qui déterminent la notion d'artisanat. Quand on sait que notre meilleure référence en 2000 n'a pas dépassé les 1000 ventes, je ne vois pas comment nous pourrions être considéré comme un industriel. Ce qui fait illusion, c'est de croire que nos 700 références actuellement en activité débouchent sur une production de plusieurs dizaine de milliers de miniatures. Chez Provence, on moule et on peint à la main et on n'hésite pas à retoucher un prototype pour créer une variante correspondant à une course ou à un événement précis. Une de notre force est la création. Nous comptons sur quatre maquettistes dont Patrick Cornu qui est à mes yeux un des meilleurs en France.

On voit dans les fusions entre grands groupes que certaines débouchent sur un échec. Cela peut-il arriver chez Provence Moulage?

- Il ne faut surtout pas nous comparer à des multinationales. Le premier objectif pour réussir notre association est de bien mixer deux entreprises qui ont une culture spécifique.

Où en est le problème des royalties et des interdictions? Ne va-t-il pas s'aggraver après cette fusion?

- C'est un vrai problème. Provence Moulage n'est pas contre le principe de payer des royalties mais souvent les constructeurs ne répondent pas à nos courriers où, quand ils le font, c'est agressif. Comment faire quand une demande se retrouve enterré sous une pile de lettres, pour accélérer les démarches afin d'obtenir une réponse du constructeur avant que les responsables des licences ne déboule pas dans votre bureau après avoir vu une publicité de telle ou telle voiture faite sans autorisation. Je veux bien, mais s'il me faut attendre 6 mois ou 1 an avant de recevoir l'autorisation en question, le petit marché du kit sur ce modèle aura complètement disparu. Y-a-t-il d'autres solutions que d'avancer et régler l'éventuel problème à posteriori? D'ailleurs souvent cela finit par s'arranger. Mais après avoir dépensé beaucoup d'énergie et de stress. Pour l'instant, Provence Moulage est licencié Aston Martin, Jaguar, Panoz, Peugeot et Renault. On discute avec Audi et on cherche à comprendre pourquoi Volkswagen nous oppose un refus catégorique au sujet de la Bugatti Veyron qu'aucun industriel n'a au catalogue.

Croyez-vous au kit, où avez-vous acheté Starter pour, à échéance plus ou moins lointaine, ne plus produire que des modèles finis?

- Le kit a ses adeptes et en aura toujours. Dans un registre assez semblable on peut voir ce qui se passe avec la maquette plastique. Tamiya est toujours là, plus prospère que jamais alors que le secteur est en perte de vitesse. Mais ce sont les meilleurs. Il n'y a donc qu'en jouant la carte de la qualité que Provence Moulage survivra. Moi qui au départ ne suis pas un expert en modélisme, j'ai très vite compris qu'il faut s'inspirer de ce que font Tameo et BBR. Eux sont des références. Je veux que les kits Provence Moulage évoluent vers des modèles avec plus de pièces photodécoupées ou rapportées, des capots ouvrants, des suspensions fines, etc., etc. Ce n'est qu'à cette condition que le kit, qu'il s'agisse de Provence Moulage ou de n'importe quelle autre marque survivra. Car dans les années à venir, les fabrications industrielles vont imposer leur qualité/prix. Malgré cela il reste de la place pour du monté à la main, même cher, du moment que c'est mérité. C'est le domaine que doit viser Starter. Il y a donc une place pour chaque gamme dans vingt ans, j'espère que Provence Moulage sera toujours là avec des kits et des modèles finis.

Bonne chance et rendez-vous en 2021...

Depuis la rédaction de cette article, la suite de l'histoire... (par MINI-AUTOS)

- PROVENCE MOULAGE est racheté en 2003 par Emmanuel BARET

- PROVENCE MOULAGE est en liquidation judiciaire en août 2004

- PROVENCE MINIATURES AUTOMOBILES est recrée deux mois plus tard par 4 anciens employés

- PROVENCE MINIATURES AUTOMOBILES est racheté mi-2008 par Philippe BENOIT après un passage chez Hervé Colombet (HECO MINIATURES) et est toujours en activité : provence.miniature.online.fr/

Aujourd'hui les locaux du 207 avenue de Jouques à 13400 AUBAGNE ont laissé place à une société spécialisée dans les parquets.

Détail : lors de la prise de ce cliché, une JAGUAR est garée devant le site, rappelant les heures de gloire de ce fabricant et la passion de Xavier de Vaublanc (fondateur de PROVENCE MOULAGE) pour les autos de cette marque.